Balade nocturne [PV un élève]

Mae marchait lentement en longeant les murs froids du cachot. Elle ne faisait pas autant de bruit qu'à son habitude. Il était près de minuit et elle n'avait pas le droit d'être ici. Les risques qu’elle se fasse prendre par un professeur qui n'arrivait pas à fermer l'oeil ou encore un préfet qui n'avait rien de mieux à faire étaient discutables, mais elle ne voulait pas prendre de risques inutiles. Elle avait déjà fait perdre assez de points à sa maison comme ça, ce n'était pas la peine d'en rajouter d'avantage. Les étudiants de Griffondors ne digéraient pas le fait de perdre tous les points gagnés à la sueur de leurs pauvres petits fronts d'élèves modèles. Personnellement, Mae s'en fichait bien. Un point de plus ou de moins, cent points de plus ou de moins... Ça n'allait pas affecter sa vie ! Malheureusement, plusieurs élèves de sa maison, bien qu’ils ne soient pas aussi assidus que les Serdaigles, pensaient tout le contraire de ce que Mae pensait et ça lui avait déjà donné assez de soucis comme ça. Avec le temps, les coups des Maraudeurs avaient finis par passer pour les étudiants de Griffondor, mais pas ceux de Mae.

*Par Merlin* pensa-t-elle *pourquoi est-ce que j'ai été envoyée dans cette maison de déjantés qui ne trouvent personne de mieux que les Maraudeurs ?*

Mae savait bien que ce n'était pas pour rien que les Maraudeurs étaient si populaires. Ils étaient beaux, avaient du charisme et les pouvoirs magiques qui allaient avec... Elle grinçait des dents seulement à y penser !

Soudainement, un petit bruit fit sursauter la Griffondor et elle sortit brusquement de ses pensées. Elle se tourna lentement vers la source du bruit en se collant d'avantage contre le mur froid des cachots. Elle ne devait pas se faire prendre avant d'avoir réussi à se rendre jusqu'à la réserve du professeur Slughorn sinon, elle pouvait bien dire adieu à son si brillant projet ! La jeune femme attendit quelques minutes, mais le bruit ne se manifesta pas à nouveau. Elle reprit donc sa marche, plus lentement et plus silencieusement que la première fois.

Mae avait eu une idée amusante et brillante (selon elle). Un élève l'agaçait particulièrement. Il s'amusait à la ridiculiser en public. Mais, on ne ridiculise pas Mae sans en subir les conséquences... Donc, la jeune femme voulait faire une potion de confusion qu'elle glisserait subtilement dans le jus de citrouille de son ennemi public numéro 1. Ce serait très drôle de le voir agir étrangement au beau milieu de la Grande Salle ! Seul petit hic, Mae avait besoin de cranson officinal. Le seul endroit où en trouver : la réserve du professeur de potion.

Mae était sur le point de tourner un coin lorsqu'elle entendit à nouveau un bruit. Cette fois, c'était certain, des pas arrivaient dans sa direction ! La jeune femme tenta de rebrousser chemin, mais elle venait de traverser un long couloir et il n'y avait pas de possibilité de s'échapper...

Sans se soucier des ténèbres ni de la froide humidité, il y avait dans les cachots une enfant, une toute petite enfant, à peine un brin de gamine, qui marchait à grand pas. Elle ne regardait ni les murs froids qui l'entouraient ni les rats qui parfois glissaient silencieusement entre ses pieds. Que faisait-elle ainsi, où se rendait-elle donc de son pas pressé ? Mais sait-on jamais réellement où l'on va ? Elle marchait simplement, la petite Gareich, parce qu'il lui était difficile de rester immobile, et parce que tous les autres, dans la salle commune, étaient partis se coucher. Elle, elle n'avait pas sommeil. Comment ça, dormir, dans un temps pareil? Elle avait passé des centaines de nuits à lutter contre le sommeil, parce que c'était l'heure d'aller se coucher, et parce qu'elle ne voulait surtout pas leur obéir. Et maintenant, sa liberté retrouvée, son indépendance fièrement acquise, elle irait donc se coucher avant même d'avoir exploré les limites de son nouveau territoire ? Depuis la rentrée, elle partait tous les soirs en promenade, comme ça. Sa manière à elle de profiter de sa liberté. En toute innocence, d'ailleurs. Elle n'avait pas seulement envisagé qu'on pût lui interdire de sortir la nuit. Si on le lui avait dit, alors elle l'avait oublié. Elle avait toujours été très oublieuse de toute sorte de règlement. Revanche familiale, sans doute. Et puis, maintenant qu'elle était libre, elle n'aurait pu croire que sa liberté pût connaître aucune limite. C'est que la jeune Gareich était assez absolue dans ses raisonnements. Jusqu'ici, elle avait été prisonnière, maintenant, elle était libre, et sa liberté ne pouvait connaître aucune limite. Tout simplement inenvisageable.
Elle marchait donc dans les longues allées sombres, s'arrêtant de temps à autre pour observer un tableau, et parfois même faire un brin de causette. Une fois même, elle s'immobilisa, s'accroupit et resta immobile quelques instants durant, à observer un vieux rat qui dormait sur le sol. Elle approcha sa main de lui, par instinct plus qu'autre chose. Elle aimait bien attraper les souris, les tenir par la queue et les regarder se débattre, sentir frétiller entre ses doigts toute cette vie frénétique, tous ces muscles qui se débattaient avec tant d’acharnement. Pourquoi ne pas essayer avec ce rat ? Ca pourrait être tout à fait amusant. Hélas, la bestiole se réveilla avant qu'elle ait pu la toucher, et elle partit en courant, non sans l'avoir vainement menacée de ses dents érodées par l'âge.
Sans se laisser décontenancer, la rouquine poursuivit sa route, un peu égarée, avouons-le, mais cela importait peu. Quand on n’a pas de but, on ne se préoccupe pas du chemin. Elle parcourait les cachots, et parfois, quand elle voyait un passage plus sombre, et qui semblait s’enfoncer plus profondément, elle l’empruntait, retenant tout de même un peu sa respiration, mais si peu. Ca lui plaisait de marcher ainsi, au gré de sa simple fantaisie, courant presque parfois et, à certains moments, s’immobilisant sans raisons apparentes, pour simplement respirer avec délice l’air vicié, mais si plein de liberté, du lieu. Quand ses yeux commencèrent à se clore d’eux-mêmes, elle se dit qu’il serait temps, sans doute, de revenir sur ses pas. Il serait peut-être un peu difficile de retrouver la Salle Commune, mais elle avait confiance, elle y arriverait bien. Elle marcha donc un peu, mais rapidement, un bruit dans un couloir non loin de là attira son attention. Elle s’immobilisa. Etait-il possible qu’il y ait quelqu’un ici, à cette heure avancée. Elle se mordilla les lèvres sous l’effet de cette curieuse sensation qui l’envahissait, mélange d’une peur bague et incertaine et d’une excitation ardente. Elle tâcha de ne pas faire trop de bruit, et s’approcha de l’endroit d’où le bruit était venu. Hélas, dans ces longs couloirs, le moindre bruit résonnait comme dans un théâtre, et elle ne pouvait espérer rester discrète. Elle marcha donc d’un bon pas et, au détour d’un couloir, elle vit une silhouette furtive qui s’éloignait vers l’autre extrémité du grand couloir. Elle observa un instant cet intrus dans son territoire. Une grande gigue, assurément, pas un prof, mais un élève d’une année très très supérieure. Un Serpentard, sans doute, qui donc aurait sinon l’idée de venir se promener dans des cachots si sombres ? Enfin, le fait est qu’il tentait de s’enfuir, ce qui était tout à fait inutile, tant le couloir était long et droit. Gareich rit doucement, et dit, d’une voix assez forte, plutôt assurée :

- Ca n’est pas très courageux de s’enfuir dès que surgit la moindre ombre, le plus petit soupçon de danger.

Elle s’avança un peu, plissa les yeux pour tenter de reconnaître son vis-à-vis. Elle ne parvenait pas à discerner la couleur de l’uniforme. Peut-être même n’était-ce pas réellement un uniforme. Après réflexion, elle ne croyait pas avoir vu aucun élève de Serpentard sortir ce soir-là. Ca pourrait même être un Gryffondor et qui sait, ça pourrait être sa sœur… Trouver quelque chose à lui reprocher, et particulièrement sa si abhorrée lâcheté, voilà qui aurait fait bien plaisir à la jeune fille. Mais elle se faisait, comme si souvent, des films sur une situation qui ne le justifiait aucunement, et elle risquait bien de s’attirer des ennuis, encore une fois. Elle hésita quelques instants, puis s’approcha de celui qui se trouvait là. C’est tout de même incroyable d’être bigleuse à ce point ! Quand enfin elle fut suffisamment proche, et parvint à distinguer l’insigne sur les vêtements de la personne, de la fille qui se trouvait là, elle eut u petit sourire. Un Gryffondor ! N’était pas merveilleux ! Elle allait pouvoir l’embêter, se venger enfin de cette Maison qu’elle abhorrait… Ce n’est qu’ensuite que, levant très haut ses yeux verts, elle s’aperçut de la taille, donc, à priori, de l’âge de cette fille. Une conclusion s’imposa rapidement à son esprit si éclairé. Il allait sans doute falloir qu’elle modifie légèrement ses projets !

Mae avait déjà commencé à s’enfuir. Elle savait que la personne qui s’approchait de bon pas l’apercevrait forcément et l’entendrait encore plus, mais la jeune femme se dit que cette même personne ne pourrait rien si elle n’était pas capable l’identifier. Même si son uniforme était visible, un préfet de Serpentard aurait l’air bien fou d’aller se plaindre à un enseignant de sa promenade nocturne. Que pourrait-il dire ? Qu’il avait vu une fille de Griffondor dans les cachots à minuit ? Oui, mais encore ? Ça ne voulait pas dire grand-chose, des filles de Griffondor, en veux-tu ? En voilà ! Il y en avait au moins une demie centaine de son âge, si ce n’était pas plus ! Donc, Mae se tourna rapidement vers la direction d’où elle venait et marcha d’un pas plus que rapide. Elle n’était pas bien loin lorsqu’elle entendit un froissement de cape. La personne venait de tourner le coin et Mae aurait bien pu être dans le trouble. C’est ce qu’elle redouta. Du moins, jusqu’à ce qu’elle entende une petite, toute petite voix. Une voix si aigue qu’elle ne pouvait appartenir qu’à une fillette.

Mae s’arrêta nette dans sa semi-fuite et se retourna vers celle à qui appartenait la voix. La Griffondor faillit s’étouffer de rire en voyant la toute petite chose. Bon, toute petite chose, Mae exagérait encore une fois. Mais, une première année, ce n’était pas gros ! Et avec le commentaire que celle-là avait fait... C’était plutôt étrange d’entendre un tel commentaire venant de la bouche d’une petite fille grosse comme un pou. La rouquine la regardait fixement, ne semblant pas la craindre pour deux sous. Pourtant, l’influence qu’exerçait les cinquième, sixième et septième années sur les premières était habituellement assez grande (et marrante, il fallait l’avouer). Cette petite-là, par contre, ne semblait pas faire partie du lot des premières normaux. Baissant légèrement le regard, Mae regarda l’uniforme de la gamine. Elle aperçu bien vite l’insigne de Serpentard et un fin sourire s’étira sur ses lèvres. Ça expliquait bien des choses. Les Serpentards n’était pas nécessairement connus pour leur courage (qui était plutôt attribué aux Griffondor), mais ils se comportaient souvent de façon illogique en se croyant meilleurs que les autres et cela pouvait parfois être perçu comme du courage stupidement placé. Enfin, c’est ce que Mae croyait. Même si elle n’était pas en amour avec sa propre maison comme plusieurs l’étaient, elle avait développé une sorte de pensée machinale (qu’elle se refuser d’appeler préjugé) envers les Serpentards. Et l’enfant chérie de Salazar qui se tenait devant elle venait confirmer sa ligne de pensée.

Mae s’avança vers la rouquine en souriant. Un sourire oui, mais pas un sourire chaleureux, ni menaçant. C’était plutôt un sourire mi-espiègle, mi-supérieur, un sourire en coin.

- Tu vas apprendre une chose si tu continus à te promener dans les cachots à cette heure.

Mae marqua une pause dans le but d’effrayer la petite. Si ça marchait, elle allait se régaler. Faire trembler les petits de première année n’était pas sa plus grande attraction, mais c’était très certainement amusant. La jeune femme continua sur un ton moqueur et un peu lugubre.

- C’est qu’il y a une bonne marge entre le courage et la stupidité.

La Griffondor fini par croiser les bras en observant la rouquine de haut. Si cette dernière n’avait pas peur, Mae serait presque impressionnée et elle pourrait se compter parmi les petits que Mae allait presque respecter. Du moins, elle serait la seule jusqu’à maintenant !

Bon, elle était grande. Et alors, après tout, il y en avait partout, des gens plutôt grands. Et puis, celle-là était à Gryffondor. Par conséquent, elle ne pouvait pas être bien maligne. En fait, on pouvait sans doute la rapprocher de sa sœur. Ce qui était un bon argument pour ne rien céder, non? La question méritait tout de même réflexion. L'autre n'avait pas l'air commode, et Gareich tenait plutôt à sa vie. En même temps, elle n'allait tout de même pas lâcher prise si vite. La fille était grande, tant mieux pour elle. Elle, elle était intelligente, et ça, ça comptait bien. Intelligente, maligne, lucide et douée. Eh, et si le narcissisme n'est pas une arme contre la lâcheté, à quoi peut-il bien servir ? A rien d'autre, assurément. On ne se trompe pas soi-même, mais en étant habile on peut quand même s'abuser. Quitte à se désabuser, d'ailleurs. Mais là n'est pas notre histoire. Résister ou ne pas résister ? La question, macbethienne s'il en est, s'imposait à elle. Parce que bon, en dehors de ce simple problème, il fallait quand même voir qu'elle était à Gryffondor, cette grande ânesse... Retour aux arguments, synthèse : Folie 1, Instinct salvateur : 0 ... All was well, qu'ils disaient...
C'est donc avec un cran tout bien bâti pour l'occasion, une lueur de malice dans les yeux que Gareich écouta la Girafonne ci-présente énoncer ses préceptes si fortement comminatoires. C’est avec un air impassible qu’elle regarda le sourire si chargé de présages de cette fille, qui s’approchait d’elle… N’y avait-il donc plus qu’une solution ? Oui, fondre en larmes, et demander pardon à Dieu, à la Terre, au Ciel, aux oiseaux et aux hippocampes. Hélas, bien que jeune, Gareich avait déjà un peu d’expérience quant à la loi de la jungle. C’est qu’elle avait un spécimen rare de Gryffondor à la maison, et qu’une observation attentive de la bête lui avait permis des conclusions importantes sur cette espèce si répandue par ces régions : ils ne sont pas plus commodes avec plus faibles qu’eux, et leur force physique leur semble souvent un excellent argument pour mépriser autrui. Comme le comportement de cette fille confirmait ses théories zoologiques, il parut évident à Gareich qu’elle devait répondre. Et même si c’était bête, dangereux, un peu stupide, et bien d’autres choses encore, il allait falloir lui tenir tête. Ne serait-ce que pour ne pas lui donner raison, à cet animal stupide !
Alors, aussi bête que fière, aussi noble que suicidaire, elle s’exposa avec une joie toute destructrice aux crachats rouges de la mitraille (le terme allait vraiment bien ici…). Et prononça, de sa voix fluette, les paroles fatales.

- C’est amusant, il me semblait bien avoir remarqué que les Gryffondor utilisaient beaucoup le ton de la voix pour exprimer leurs émotions, sans juger pour autant nécessaire de meubler le tout paroles un tant soit peu intelligentes.

Ce disant, car quand on s’enfonce, il faut toujours s’enfoncer jusqu’au bout, elle regardait la Gryffondor d’un air fier, bon, pas vraiment d’en haut, mais presque… Et, avec une moue un peu pensive, observant la grande godiche en face d’elle comme si c’était la première fois qu’elle voyait un être humain, elle poursuivit, non sans voir défiler dans sa tête des images de pistolets, de sortilèges et de mort :

- Et puis il y a les gestes, aussi. Le regard lui-même parle… Ah, quel dommage, vraiment, qu’il n’y ait aucun fond derrière tout ça ! Allez, essaie de sortir un argument, pour voir si tu en es capable ?

Mais qu’est-ce qu’elle foutait, là ? Etait-elle certaine de fonctionner correctement ? Parce qu’il devait quand même y avoir un problème dans le mécanisme. Que ce soit la boîte de vitesse ou le frein, quelque chose marchait mal, c’était certain. Elle n’avait jamais voulu dire ça, enfin ! Ca n’était même pas cinglant, même pas une bonne réplique ! Et maintenant, elle allait se faire taper, et il faudrait qu’elle réponde. Ses lunettes seraient encore cassées, et ça ferait un bazar épouvantable.

Mae avait écouté la petite bonne femme en avant d’elle tenter de la provoquer. Ou peut-être pas ? En fait, pour son âge, elle semblait... Mae ne trouvait pas le mot exact pour définir sa pensée, mais la petite rouquine n’était assurément pas comme les autres petits de premières années, toutes maisons confondues. Quoiqu’il en soit, la petite avait légèrement impressionné Mae. Mais la jeune femme ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle était un peu bête de dire de telles âneries à un élève beaucoup plus vieux qu’elle et, qui plus est, un Griffondor. Si Mae avait été l’une de ces dérangées qui attaque n’importe quel jeune qui ne fait pas son affaire, la petite rouquine aurait été dans de sales draps. Enfin, la jeune femme n’avait pas pour habitude de tabasser des enfants et ça n’allait pas commencer là. Surtout que à date, même si c’était une petite Serpentard, Mae n’avait rien contre elle. En fait, elle aimait bien se faire répondre et aussi se faire surprendre de temps à autres et c’est justement ce que la rouquine avait fait.

- Et bien, tu as du cran pour une première année. Mais dis-moi, c’est réellement du cran ou bien de l’idiotie ?

Mae n’avait pas posé cette question sur un ton moqueur ou ironique. Elle avait plutôt gardé un ton neutre, un peu comme si elle lui demandait quelle température il faisait à l’extérieur. Ce n’était pas pour énervée la petite, mais uniquement à titre informatif. Le cas de la jeune fille l’intriguait au plus haut point et elle voulait en savoir plus. Même si elle avait été quelque peu impressionnée des paroles de la petite, Mae l’avait trouvé un peu stupide d’oser autant. Elle n’hésita donc pas et dit ce qu’elle pensait à la rouquine.

- Tu sais, j’aurais pu être une folle qui tape sur tous les Serpentards qui ne font pas mon affaire. Tu dois bien y avoir pensé, non ? Alors pourquoi as-tu tout de même parlé comme ça ?

Finalement, Mae avait mis le doigt sur ce qui la tracassait depuis le début de cette étrange rencontre : l’enfant lui ressemblait lorsqu’elle était en première et deuxième. Du moins, en partie. Quelques petites choses étaient différentes, enfin, pour ce que Mae pouvait en voir. La jeune femme aurait volonté dit sa façon de penser à un élève plus vieux au risque de se faire tabasser, surtout si c’était un Serpentard. Mais, elle l’aurait dit d’un air moqueur, gamin, un peu bebête. Pas comme la jeune fille qui semblait avoir une étincelle de maturité qui est supposée être inexistante à cet âge. C’est ce que Mae ressentait en tout cas, peut-être la petite allait-elle la faire changer d’avis la prochaine fois qu’elle allait ouvrir la bouche.

Voilà qui était étonnant. Des répliques plutôt intelligentes, et qui tranchaient avec le reste de ce début de conversation par le ton calme froid, intensément raisonnable que venait de prendre la Gryffondor. Cela changeait tout. N’importe quelle personne normale se serait énervée, et aurait passé ses nerfs sur l’insolente. Sa chère sœur la première. Mais visiblement, cette fille-là n’était pas un personnage normal. Bon. Le problème, c’est que ça changeait radicalement la stratégie, et toutes les données de la situation. Ca faisait même paraître son emphase encore plus ridicule. Disons que le ridicule était maintenant d’une autre forme. Une Gryffondor raisonnable, voilà qui méritait bien d’être fêtée. Le problème, c’est qu’il allait falloir répondre. Ah, quel métier difficile que celui de préadolescente révoltée et originale. Elle se prit un instant à envier sa sœur adorée, qui cognait avant de réfléchir, dans ce genre de situations. Les jeux du langage n’étaient pas non plus trop faits pour Gareich, pas plus que la mesure. Quand on se nomme cri, il est difficile de mener une conversation habituelle, et les réponses froides ne sont pas aisées à formuler. Oter le feu de sa voix, dépouiller son discours de tout élément qui ne soit pure raison. Il faudrait qu’elle y travaille, un jour… L’art de la rhétorique… Mais cela ne l’aidait guère pour le moment. Parce que la question de l’autre appelait tout de même une réponse. Or, Gareich n’aimait pas trop les questions fermées comme celle-ci, ni les rythmes binaires, d’ailleurs. Elle ne supportait pas de se voir rouler sur des rails bien ancrés, fussent-ils purement formels. Pas de prison d’aucune sorte, elle avait une liberté à s’inventer. Il ne lui plaisait guère à vrai dire déjà de se laisser dévier de la route provocatrice qu’elle s’était tracée, mais la voie que lui proposait son interlocutrice était bien plus intéressante. On allait donc élever le débat… Tout de même, de la part d’une Gryffondor… C’était assez surprenant.

- Eh bien, qu’est-ce que ça changerait, de toute façon ? Il n’y a pas d’intelligence, ni de courage à évoquer. Le tout, c’est la liberté, et ce qu’il faut savoir, c’est si l’on pourra aller jusqu’au bout… Pensais-tu donc que j’allais laisser une grande harpie comme toi nager dans des paroles aussi vaseuses que pauvres ?

Son ton n’était ni amical, ni vraiment moqueur. Elle paraissait à vrai dire plutôt songeuse. Elle n’avait pas pu résister à la petite provocation (après tout, on ne se lasse pas si facilement de ses jeux d’enfants), mais elle l’avait glissée sur un ton uniquement pensif. C’est à peine si un éclair de malice ironique avait, illuminant un instant son regard, laissé apparaître sa joie toute enfantine. Elle garda son air grave lors de la réplique suivante de la Gryff’, et, la fixant calmement, toute à ses paroles désormais, elle prit la parole d’une voix atone, laissant parfois quelques pauses pour s'écouter parler.

- Crois-tu que la menace doit empêcher l’acte ? Moi, je pense qu’il faut faire ce que l’on a à faire, sans songer aux conséquences. Quand bien même tu aurais eu l’intention de me frapper, je ne vois pas en quoi cette pression aurait dû m’empêcher de dire ce que je pense. La menace n’enlève pas la liberté.

Ceci dit sur un ton grave, comme s’il s’agissait d’un acte moralement déterminant que l’attaque de chaque Gryffondor qui passait. Remarquez, c’était peut-être le cas. Qui sait ce qu’il peut se passer dans l’esprit d’un être si rétif et marginal que cette enfant… D’ailleurs, cet instant de répit passé, l’esprit belliqueux reprit le dessus, et l’ironie envahit de nouveau sa toute petite voix.

- Et puis, c’est tout de même chose normale que de tenter de ramener à la raison ces écervelés de Gryffondor… C’est qu’ils ne brilleraient guère, s’ils n’étaient parfois remis à leur place.

Elle l’observa fièrement, un air amusé et pas si antipathique que cela dans le regard. Cette Gryffondor-ci paraissait à peu près apte à saisir l’humour de Gareich. Elle risquait certes fort d’être déçue, mais cette miette d’adolescente saurait bien rebondir si le ton se durcissait à nouveau. Qu’importait l’âge, étant à Serpentard, elle avait déjà au moins trois ou quatre ans d’âge mental d’avance par rapport aux Bouffondors, comme elle aimait à les surnommer. Ca ne faisait pas un bien grand écart, au final. Et elle aussi savait se battre comme une lionne.

Mae regarda longuement la jeune Serpentard lorsque cette dernière eu fini de déverser un flot de paroles qui étaient plutôt étranges à entendre venant de la bouche d’une si jeune personne. La Gryffondor leva les yeux au plafond. C’était bien une Serpentard, à dire des débilités profondes sur les Gryffondor de cette façon, aussi soignée et distinguées que furent les mots employés. Mae se rapprocha lentement d’un mur du couloir et, bien qu’il soit froid, s’appuya dessus, croisant les bras contre sa poitrine et remontant un pied contre la pierre pour prendre appuie. Elle continua de regarder longtemps la petite chose qui se tenait devant elle avec un sourire en coin. C’était plutôt rare pour Mae d’étudier les gens. Habituellement, la jeune femme faisait peu de cas de la santé mentale d’autrui ou bien de ce qu’ils pouvaient représenter. Mais cette petite était intrigante et cela amusait la Gryffondor.

Le minuscule serpent qui se tenait devant elle maîtrisait bien le verbe. Elle avait une habileté à parler que peu d’enfant de son âge pouvaient se venter d’avoir. La rouquine savait comment bien tourner ses phrases et semblait réfléchit dans ses paroles. Semblait, tel était le mot. Car en fait, le principe de non contradiction était peu respecté dans les paroles de la fillette. C’était comique, typique de l’âge infantile. La liberté ? Elle criait haut et fort que la liberté était ce qu’il y avait de plus important ? Oui, mais la liberté de penser, ce n’était pas la première étape pour accéder à la liberté d’agir ? Et cette liberté de penser était largement bafouée par les préjugés apparents que la jeune fille avait envers les Gryffondors. Et encore quels autres préjugés ? Mae hocha la tête lentement, comme si elle se confirmait tout ce à quoi elle venait de penser, avant de finalement ouvrir la bouche pour exposer sa pensée à la rouquine.

- Tu parles de liberté, mais la liberté, ce n’est pas juste faire ce qu’on veut et vivre comme on le désire. Tu devrais faire attention à ce que tu souhaites, il y a toujours des conséquences qui s’y rattache, libre ou pas. Tu n’es pas libre, attachée à tes principes de serpents. Tu mets tous les Gryffondors dans le même sac. Tu sais combien d’élèves ça fait ? Plusieurs. Trop pour être tous identiques. Tu es esclave de tes préjugés et tu ne t’en rends même pas compte. Et quoi encore ? Tu dois en avoir pleins d’autres comme ça. Tout le monde en a. Personne n’est réellement libre. Il ne suffit pas de vouloir pour avoir.

La jeune femme eu un rire amer. Elle n’avait jamais eu de conversations aussi sérieuses et il fallait que ce soit avec une liliputienne de Serpentard à minuit dans les cachots.

- Je ne devrais même pas te tenir un pareil discours. Tu es jeune, tu as encore le temps de comprendre...

Cette dernière phrase n’était pas vraiment destinée à la Serpentarde, mais plutôt à Mae elle-même. La petite la faisait tout de même réfléchir sur plusieurs points. Finalement, quelque peu lasse de se tourmenter de la sorte, la jeune femme se redressa et fit un petit sourire à la Serpentard.

- Et tu t’appelles comment, au fait ?


[HJ : Je suis vraiment désolée pour le retard ^^’’]